Pour beaucoup, l’économie québécoise est considérée comme le plus grand obstacle à notre capacité à devenir indépendant. Cette article ne cherche pas à démontrer que le Québec est un paradis économique sans difficultés à l’horizon. Tous les états du monde, même les plus puissants, font face à leurs propres défis. Si le Québec n’est pas un paradis économique dont l’horizon est exempt de difficultés, il n’y a pas non plus le problème économique que certains tentent de décrire. Nous avons tout ce qu’il faut pour devenir non seulement un état indépendant viable mais aussi plus prospère.

Pour commencer, il faut se rappeler que nous disposons de ressources abondantes qui nous permettront de passer facilement de notre situation actuelle à un Québec indépendant. Notre secteur minier figure parmi les dix premiers producteurs du monde. Les principaux minéraux minés au Québec sont le fer, l’or, le cuivre et le zinc. Nous produisons également du titane, de l’argent, du magnésium et du nickel ainsi que de nombreux autres métaux et minéraux industriels, y compris les diamants. Et ce n’est que le début…60% de notre potentiel minéral reste inexploré. La foresterie est aussi un secteur qui peut contribuer à notre développement. Nous disposons également de grandes réserves d’eau potable. Dans le contexte du réchauffement climatique, cette ressource deviendra de plus en plus importante. En outre, l’hydroélectricité nous met également dans une position enviable à cet égard, ce qui nous permet d’attirer des industries à forte consommation d’énergie ou d’exporter en cas de hausse des prix de l’électricité. Dans le même ordre d’idées, le fleuve Saint-Laurent est une ressource stratégique importante puisque sa voie d’eau atteint le cœur de l’Amérique du Nord. En tant que pays indépendant, nous pourrions réglementer le trafic et imposer des règlements et des tarifs qui nous paraissent les plus appropriés sans avoir à expliquer les besoins de l’Ontario. À l’heure actuelle, la majeure partie du trafic maritime par le Saint-Laurent passe par les Grands Lacs sans aucun avantage réel pour nous. Les avantages sont principalement pour la région de Toronto.

Enfin, notre principale richesse est, et devrait rester, notre cerveau. Les scientifiques, les artistes, les athlètes et les innovateurs québécois apportent déjà le Québec au monde. Avoir une population trois fois bilingue et sept fois plus trilingue que partout ailleurs sur le continent représente également un atout économique important pour nous. Pour tout état, possédant des richesses – naturelles ou non – ne suffit pas, il doit pouvoir développer des industries et des entreprises compétitives. Il doit également être en mesure de protéger ses intérêts stratégiques, c’est-à-dire les avantages concurrentiels qu’il existe sur d’autres États dans certaines industries. Comme d’autres nations du monde, nous devons aussi défendre nos intérêts stratégiques. Cependant, nos intérêts ne coïncident pas toujours avec ceux d’Ottawa. En restant une province du Canada, nous confions une partie importante de nos leviers économiques à une autre nation qui a souvent des objectifs différents.

Tout d’abord, les industries qui reçoivent le soutien des gouvernements canadien et québécois ne sont pas les mêmes. D’une part, il y a l’industrie du pétrole et de l’automobile, et d’autre part, il existe des énergies renouvelables, de l’aérospatiale et de la foresterie. Lorsque l’industrie automobile basée en Ontario a connu des difficultés en 2009, le gouvernement canadien a investi 10 milliards de dollars pour aider à maintenir ces emplois mais, en même temps, des difficultés semblables ont été ressenties dans notre industrie forestière, c’est essentiellement notre gouvernement québécois qui a rectifié le problème. En ce qui concerne le pétrole, Ottawa investit chaque année 1,4 milliard par an (plus de 60 milliards de dollars depuis 1970). Pendant ce temps, Hydro-Québec devait être financé presque exclusivement par notre gouvernement et n’a jamais bénéficié d’un financement canadien important. Les prix du pétrole sont un autre exemple de divergence entre nos intérêts économiques et ceux du Canada. Les prix bas du pétrole sont bons pour notre économie, mais ils entravent la croissance canadienne. En fait, nous n’avons pas d’industrie pétrolière, les avantages pour notre économie sont au mieux indirects. Les inconvénients, cependant, sont extrêmement évidents parce que les prix élevés du pétrole conduisent à un dollar canadien fort, ce qui nuit à nos exportations. Environ 55 000 emplois dans le secteur manufacturier québécois ont été perdus ces dernières années en raison du fort dollar. En outre, des coûts importants sont à prévoir pour la mise en œuvre de l’objectif du Canada visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre puisque le Québec, l’une des provinces les plus vertes au Canada, finira par payer la pollution de l’Alberta. Pire encore, Ottawa n’a épargné aucune dépense dans la promotion des sables bitumineux en Europe et le lobbying pour empêcher son étiquetage de l’énergie sale. En revanche, elle ne défendait en rien notre énergie hydroélectrique lorsque, en 2010, le Congrès américain a décidé de considérer l’hydroélectricité du Québec comme n’étant pas une énergie propre.

Notre faiblesse économique en tant que province du Canada peut également être observée dans le domaine des accords commerciaux internationaux. L’économie mondiale est régie par une multitude d’accords commerciaux conclus entre des États indépendants. Le Canada négocie rarement et signe cet accord en tenant compte de nos intérêts, mais plutôt de ceux de l’économie canadienne plus importante (principalement celle de l’Ontario et de l’Alberta). Le nouvel accord de libre-échange avec l’Union européenne l’a encore démontré. Au cours des négociations finales, le gouvernement canadien a proposé à l’Europe d’importer 17 000 tonnes de fromage en échange de l’opportunité d’exporter 50 000 tonnes de boeuf canadien. Comme les agriculteurs européens sont plus subventionnés que le nôtre, cet accord nuira grandement à notre industrie du fromage, ce qui représente 60% du total canadien. De toute évidence, l’industrie du boeuf, principalement basée en Alberta, est satisfaite de ce résultat.
Tout le monde fait des choix en fonction de leurs propres intérêts. Nous ne pouvons pas reprocher aux Canadiens de vouloir défendre leurs intérêts économiques ici et à l’étranger. Mais alors, pourquoi les Québécois doivent-ils justifier leur détermination à défendre leurs propres intérêts économiques? Malheureusement, il nous est presque impossible de défendre adéquatement ces intérêts en tant que province du Canada.

En tant que pays indépendant, nous pourrions mieux utiliser l’argent que nous envoyons actuellement à Ottawa. Le gouvernement du Canada dépense des milliards dans des domaines qui ne concernent pas la majorité des Québécois. Des exemples sont nombreux: les dépenses militaires intensives, les subventions au pétrole, le Sénat, le Gouverneur général, la monarchie, etc. Au titre des dépenses militaires, le Canada a plus que doublé son financement au cours des 14 dernières années (10,1 milliards de dollars en 1998-1999 à 21,7 milliards de dollars En 2013-2014). Le plan de défense 2008-2028 du Canada coûtera 490 milliards de dollars. Par conséquent, Ottawa exigera que nous dépensons près de 113 milliards de dollars pour les militaires alors que nous sommes obligés de réduire les dépenses en santé et en éducation. Le plan comprend plus de 33 milliards de dollars pour l’achat de nouveaux navires pour la Marine royale du Canada, dont un penny sera dépensé au Québec, même si le chantier naval de Lévis est l’un des meilleurs du monde. Parmi ces exemples de dépenses forcées, il faut ajouter l’achat de plus d’un milliard de dollars par année de services payés par le Québec à l’Ontario via le gouvernement du Canada. Étant donné que la majorité de la fonction publique canadienne est établie sur le territoire de notre voisin, elle bénéficie largement de l’argent que nous payons dans les impôts. L’indépendance nous permettrait de ramener la majeure partie de cette activité économique.

En outre, de nombreux programmes ou départements canadiens dépensent beaucoup moins au Québec que leur poids économique ou démographique mériterait. En tant que pays indépendant, nous cesserons de payer pour la Commission canadienne du blé, qui profite principalement à l’Ouest. Nous cesserons également de payer pour le programme nucléaire canadien, dont les dépenses sont principalement réalisées en Ontario. Le Canada compte 22 réacteurs nucléaires, dont 20 en Ontario. Le Québec n’en avait qu’un, Gentilly, qui sera fermé pour des raisons économiques. En tant que pays indépendant, nous cesserons de payer pour Pêches et Océans Canada, dont les dépenses sont engagées principalement en Colombie-Britannique et dans les provinces maritimes. Un autre exemple frappant est le système des crédits d’impôt canadiens qui nous sanctionne pour certains de nos choix sociaux. Par exemple, notre programme de garde d’enfants nous coûte 149 millions de dollars en crédits d’impôt parce que les coûts des services de garde sont plus bas au Québec que le reste du Canada. La situation est la même pour les frais de scolarité, nous choisissons de garder nos frais de scolarité pour promouvoir l’accès à l’école. Le système canadien, organisé autour de la réalité d’autres provinces, prive les étudiants du Québec de 100 millions de dollars en crédits d’impôt canadiens non utilisés.

Nous devons également tenir compte des économies importantes qui pourraient être réalisées en éliminant le double gouvernement. En tant que pays indépendant, nous ne devrions pas payer deux ministères des finances, de la santé, des revenus, des ressources naturelles, des relations internationales, etc. Les fonctionnaires canadiens de ces ministères consacrent beaucoup de temps à administrer des programmes parallèles qui pourraient être rationalisés ou éliminés si le contrôle Est passé au Québec. L’un des exemples les plus absurdes d’un tel dédoublement est celui du ministère de la Santé du Canada, qui emploie 9079 employés mais ne gère qu’un seul hôpital. Pour ajouter à tout cela, plusieurs études ont été faites sur les effets que l’indépendance aurait sur les finances publiques du Québec. Le dernier a été réalisé par Stéphane Gobeil qui a clairement montré que les économies seraient de l’ordre de 7,5 milliards de dollars, alors que les coûts seraient de 5,5 milliards de dollars. Donc, en tant que pays indépendant, nous économiserons environ 2,0 milliards de dollars la première année. Dans le passé, d’autres études sur cette question ont tous démontré les avantages de l’indépendance. En 1994, Jacques Parizeau a commandé une étude sur les coûts et les revenus d’indépendance du ministre de la Restructuration, qui a indiqué que nous aurions économisé près de trois milliards en 1995. En 2005, le budget de l’année 1 de François Legault a estimé que l’indépendance générerait plus de cinq milliards de dollars excédentaires. Avec les économies générées par l’indépendance, notre marge de manœuvre serait plus large, ce qui nous permettrait d’avoir plus de choix. Par exemple, un gouvernement plus interventionniste pourrait investir dans nos secteurs stratégiques, un gouvernement plus conservateur pourrait réduire nos impôts, alors qu’un autre gouvernement de gauche pourrait réinvestir en matière de santé et d’éducation.

Globalement, être une province du Canada ne nous profite pas économiquement. Nous avons tout le potentiel de devenir une nation riche, libre et prospère. Déjà comme une province seule, nous avons une économie moderne et diversifiée qui se compare favorablement à celle de nombreux pays souverains. Cependant, pour faire face aux défis économiques à venir et pour trouver des solutions qui répondent réellement à nos besoins, nous devons décider de notre avenir économique. Notre subordination politique nous laisse néanmoins très peu de marge de manoeuvre. L’indépendance n’apportera pas le paradis sur terre. Nous devrons toujours faire face à un certain nombre de problèmes économiques comme la gestion des ressources naturelles, la gestion des finances publiques, la défense de nos intérêts économiques, la lutte contre la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie, etc. La différence est que nous aurons tous les outils qui nous permettent de Relever ces défis. En bref, nous aurons le pouvoir de mettre en action notre propre vision économique et d’entreprendre des projets qui correspondent à cette vision.

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